Au MAD, décider de défendre la diversité du garde-manger de l'humanité

C’est aujourd’hui 29 août que s’achève le MAD, ce festival de cuisine formidable initié par René Redzepi, qui nous demande à Michel Troisgros et moi de clore ce moment.
Nous sommes les uns les autres des artisans, des artisans qui transforment la nature pour nourrir les hommes. L’alimentation étant désormais au cœur des enjeux de nos sociétés, nous sommes obligés de quitter nos tours d’ivoire d’hier et d’aller confronter nos visions culinaires, de considérer l’alimentation au cœur des enjeux sociaux, économiques, environnementaux, culturels et de santé publique !
Devant les grandes sociétés internationales qui veulent s’approprier le végétal dans les cultures intensives nécessitant pesticides, insecticides, engrais et OGM, l’animal dans les élevages intensifs, les ressources de la mer en pillant les océans, les cuisiniers du monde ont le devoir de défendre la diversité du garde- manger de l’humanité et doivent militer et agir pour une meilleure alimentation pour tous. L’agriculture et la pêche ne sont pas des industries mais appartiennent aux populations. L’industrie agro-alimentaire est arrivée au bout d’un cycle catastrophique pour les hommes et la planète. Nous assistons impuissants à l’effondrement de l’ancien monde comme une falaise que personne ne pourra retenir. Et c’est tant mieux !

Nous vivons en même temps une prise de conscience pour une Renaissance comme après le Moyen-Age et les jeunes cuisiniers du monde ont la chance de pouvoir jouer un rôle crucial dans sa mise en marche. Comment ? c’est… tout simple !
Tout d’abord en étant tous mobilisés autour de la planète pour défendre les petits producteurs et ainsi promouvoir la diversité végétale et animale… et non pas en se servant dans le supermarché pour Restaurant qui prive le cuisinier de sa première liberté, à savoir choisir son produit (même quand les supermarchés pour restaurant sponsorisent les guides gastronomiques les plus connus).
Il faut également défendre la diversité culturelle des cuisines du monde comme un patrimoine immatériel de l’humanité contre l’uniformisation et la standardisation des goûts et des saveurs. Et cela en pratiquant une cuisine traditionnelle ou créative, simple ou raffinée mais toujours sincère.
Il est essentiel d’intégrer dans cette démarche collaborateurs, fournisseurs, clients mais également les jeunes, les décideurs politiques pour une alimentation bonne, saine, respectueuse et juste dans les écoles, les universités, les entreprises, les hôpitaux et les maisons de retraites.
Et finalement, ouvrez en grand vos fenêtres et vos portes pour vous intéresser à d’autres activités culturelles, architecture, design, musique, peinture, littérature afin que votre cuisine s’imprègne au mieux du présent et être ainsi en perpétuel mouvement.

Il s’agira ainsi de faire de la vraie politique pour tenter de laisser un monde à nos enfants meilleur que celui que ma génération vous laisse. Les jeunes cuisiniers d’aujourd’hui auront ainsi un vrai pouvoir face aux monstres du capitalisme sauvage qui veulent s’approprier l’alimentation de tous. Et ils réussiront ! mais uniquement s’ils sont unis dans le monde et restent solidaires des paysans et des pêcheurs !
A l’aube de ce grand combat, chacun comprendra que les petits classements de notoriété dans chacun des guides internationaux sont un non-sujet.