Conversation avec Gwenn, réflexologue à La Ferme du Vent
Gwenn Libouban est réflexologue. Elle travaille à Paris et surtout en Bretagne au sein des Maisons de Bricourt. Elle organise des formations et des cures de bien-être. En 2018, elle a publié un livre qui met des mots sur sa pratique «L’homme est un arbre qui marche » (édition Marabout).
Propos recueillis par Mathilde à la Ferme du Vent, le 19 juillet vers 12h30, marée basse, coefficient 77, vent léger, soleil.
Si tu étais une épice ?
Un poivre japonais, le Budô Sansho.
Si tu étais un arbre ?
Un chêne. Il y a longtemps, j’ai acheté une maison pour la beauté du chêne qui était dans le jardin.
Si tu étais une planète ou une étoile ?
Un soleil. Un soleil levant, pas celui qui brûle, celui qui donne une lumière douce et une énergie particulière. A la Ferme du Vent, face aux levés de soleil je ressens la renaissance de chaque jour comme un petit miracle.
Si tu étais un parfum ?
Le parfum de la terre mouillée après la pluie, un jour de chaleur. J’aime aussi les parfums des sous-bois et ceux des agrumes.
Un dîner parfait ?
Un dîner improvisé qui mêlerait des personnes de tous les horizons et auprès desquelles on apprend des choses. Je fuis les dîners mondains car je ne supporte pas être à la surface des choses. Avec l’âge, on n’apprend à ne plus faire des mondanités qui consistent à nourrir une image de soi au lieu d’aller à la rencontre de l’autre. Cela m’aurait intéressée d’échanger avec Michel Serres et aujourd’hui de parler avec l’explorateur Nicolas Vanier qui me raconterait son voyage extraordinaire en Antarctique.
Comment est arrivée l’idée d’ancrer ta pratique de réflexologie au cœur de la Ferme du Vent, le projet imaginé par la famille Roellinger ?
Avec le recul, je me rends compte à quel point le projet de la Ferme du Vent était une graine, qui a été plantée il y a 10 ans au bon endroit et, qui a germé avec l’ouverture au mois de juin 2016. L’idée d’exercer mon travail de réflexologue au sein de la Ferme du Vent est très vite devenu pour moi une évidence en découvrant ce lieu axé vers l’Est, l’axe de la santé et de l’engagement, face à cette baie du Mont-Saint-Michel. Il y a eu cette confiance aussi avec Jane et Olivier Roellinger. La première chose que l’on a faite en arrivant ici a été d’enlever nos chaussures pour aller marcher sur l’estran et remonter pieds nus dans l’herbe jusqu’aux ruines de l’ancienne ferme.
Dans ce nouveau lieu en devenir, avec Jane et Olivier, nous avons pris le parti d’inscrire la réflexologie dans un endroit d’hospitalité et de bien-être. A l’époque c’était un pari osé. La réflexologie était encore confidentielle, les thérapeutes étaient rarement dans les hôtels. Nous étions avant-gardistes. On s’est focalisé sur le pied en imaginant un soin unique porté sur cet organe essentiel car il est en contact direct avec la terre.
La Ferme du Vent est un site extraordinaire et il fallait être digne de ce lieu pour rénover, rebâtir sans trahir l’esprit de l’endroit. Le lieu a beaucoup choisi, il a été acteur. La Ferme du Vent avec les Bains Celtiques ont été une construction collective entre la famille Roellinger avec l’arrivée d’Hugo, l’équipe, l’architecte, tous les artisans, les jardiniers, les cuisiniers, les acteurs de salle, les gouvernantes. Chacun a apporté sa pierre et sa vision. Nous avons fait une fête tous ensemble pour célébrer l’ouverture qui remonte à 3 étés. L’autre jour, j’ai retrouvé mes écrits et mes notes sur le projet. On a vraiment respecté la ligne que l’on s’était fixée il y a 10 ans. C’est colossal, même la ligne de produits de soin Bains Celtiques-Roellinger a réussi à éclore.
La Ferme du Vent est un lieu fort, quelle est son influence sur ta pratique ?
Ma carrière a commencé et a grandi à Paris. Au bout d’un moment, je sentais que mes soins étaient comme une intraveineuse que je faisais à mes patients, qui juste après le soin, repartaient en courant prendre leur métro. J’ai réalisé qu’ils n’avaient pas le temps d’incorporer les bienfaits de la séance. Le temps de la séance n’était plus suffisant pour réinitialiser le corps avec les bonnes données, comme un ordinateur sur lequel on fait une mise à jour. Il y a selon moi un temps nécessaire avant le soin et après le soin qui est aussi important que celui de la séance. Le travail en séance consiste à re-polariser la personne, à la rebrancher à la terre, à la terre physique, à sa terre intérieure, à ses racines. Il faut du temps pour cela. Ainsi, s’est imposée la nécessité de trouver un endroit où les patients auraient le temps de ressentir les bienfaits de la séance. Partir de Paris, larguer les amarres pour m’installer à Cancale a été pour moi la découverte de mon Graal. J’étais heureuse de quitter le monde de la cosmétique dans lequel le marketing a pris le pas sur la vérité du produit. Je ne voulais pas vendre mon âme et Paris ne me permettait plus de me recharger.
La Ferme du Vent est un espace contenu, proche de la nature, qui respire et qui m’aide à me recharger. Ici, je me sens entourée, enveloppée par le ciel, la mer, la terre. En regardant l’horizon, on se lave les yeux. On ressent le temps qui passe et l’espace qui nous entoure, ce qui est aujourd’hui devenu un luxe et pourtant, c’est l’essentiel de la beauté du monde ! Comme un retour à l’enfance, on reconnecte avec cette partie de soi à travers une odeur de foins coupés, la saveurs des produits, une promenade pieds nus sur la grève, juste en contrebas du Champ du Vent. C’est cette simplicité que l’on a perdue qui est la plus dure à donner et que l’on trouve ici.
Je ressens de la joie d’être à la Ferme du Vent et d’avancer avec toute l’équipe des Maisons de Bricourt où chacun est valorisé dans le geste qu’il accompli : que ce soit le jardinier qui plante des graines, le cuisinier qui pose une fleur sur une assiette. C’est un endroit pour être créateur et aujourd’hui ces endroits sont assez rares. Il est plus facile de formater les gens à des gestes et à des protocoles. La pièce où je travaille est face à la mer, axée sur la lumière de l’Est et le Mont-Saint -Michel. Pendant le soin, je suis seule à voir la mer, à recevoir l’énergie du soleil et des marées pour pouvoir la transmettre aux patients. C’est peut-être le seul moment où les patients ne voient pas la mer et ils se retrouvent avec eux-mêmes autrement.
Tu rencontres de nombreuses personnes à travers les soins, certaines reviennent. Tu recueilles leurs émotions. Quelles sont les émotions des personnes qui séjournent à la Ferme du Vent et qui ont la chance de vivre un soin ?
Le soin et le lieu permettent de se ré-amarrer à soi, à sa terre intérieure. A la Ferme du Vent, il n’existe pas de protocole pour vivre l’expérience. J’aime trop la liberté, c’est pourquoi je veux donner la chance à chacun de grandir lui-même. Je ne veux pas être dans le rôle du sachant. J’instaure un dialogue avec le patient, avec ses pieds. C’est dans cet espace que l’on fabrique ensemble que le soin opère. En travaillant sur les pieds, j’aide la personne à faire circuler la vie en elle. Les personnes repartent plus riches qu’elles n’étaient, plus riches d’une part d’elles-mêmes. Elles reconnectent avec leur profondeur, leur âme.
Le lieu est juste, et tout le monde, les humains comme les choses, se mettent au diapason. Les personnes reviennent. La Ferme du Vent n’est pas un lieu de passage, mais un lieu de ressourcement.
Quelques mois se sont écoulés depuis la parution de ton livre « L’Homme est un arbre qui marche ». Peux-tu nous raconter la manière dont tu perçois ce livre aujourd’hui ?
Le livre a été un moyen pour moi d’asseoir mon travail ; c’est un outil qui pose ce que je fais et pourquoi je le fais ici. L’enjeu du livre a été de mettre des mots sur ce que mes mains font. Cela a été un retour sur tout ce que j’avais investi au cours de ma vie. J’ai théorisé ma pratique de thérapeute. Après avoir appris, je peux à présent transmettre et le livre constitue cette étape de transmission.
Propos recueillis par Mathilde à la Ferme du Vent, le 19 juillet vers 12h30, marée basse, coefficient 77, vent léger, soleil.
Si tu étais une épice ?
Un poivre japonais, le Budô Sansho.
Si tu étais un arbre ?
Un chêne. Il y a longtemps, j’ai acheté une maison pour la beauté du chêne qui était dans le jardin.
Si tu étais une planète ou une étoile ?
Un soleil. Un soleil levant, pas celui qui brûle, celui qui donne une lumière douce et une énergie particulière. A la Ferme du Vent, face aux levés de soleil je ressens la renaissance de chaque jour comme un petit miracle.
Si tu étais un parfum ?
Le parfum de la terre mouillée après la pluie, un jour de chaleur. J’aime aussi les parfums des sous-bois et ceux des agrumes.
Un dîner parfait ?
Un dîner improvisé qui mêlerait des personnes de tous les horizons et auprès desquelles on apprend des choses. Je fuis les dîners mondains car je ne supporte pas être à la surface des choses. Avec l’âge, on n’apprend à ne plus faire des mondanités qui consistent à nourrir une image de soi au lieu d’aller à la rencontre de l’autre. Cela m’aurait intéressée d’échanger avec Michel Serres et aujourd’hui de parler avec l’explorateur Nicolas Vanier qui me raconterait son voyage extraordinaire en Antarctique.
Comment est arrivée l’idée d’ancrer ta pratique de réflexologie au cœur de la Ferme du Vent, le projet imaginé par la famille Roellinger ?
Avec le recul, je me rends compte à quel point le projet de la Ferme du Vent était une graine, qui a été plantée il y a 10 ans au bon endroit et, qui a germé avec l’ouverture au mois de juin 2016. L’idée d’exercer mon travail de réflexologue au sein de la Ferme du Vent est très vite devenu pour moi une évidence en découvrant ce lieu axé vers l’Est, l’axe de la santé et de l’engagement, face à cette baie du Mont-Saint-Michel. Il y a eu cette confiance aussi avec Jane et Olivier Roellinger. La première chose que l’on a faite en arrivant ici a été d’enlever nos chaussures pour aller marcher sur l’estran et remonter pieds nus dans l’herbe jusqu’aux ruines de l’ancienne ferme.
Dans ce nouveau lieu en devenir, avec Jane et Olivier, nous avons pris le parti d’inscrire la réflexologie dans un endroit d’hospitalité et de bien-être. A l’époque c’était un pari osé. La réflexologie était encore confidentielle, les thérapeutes étaient rarement dans les hôtels. Nous étions avant-gardistes. On s’est focalisé sur le pied en imaginant un soin unique porté sur cet organe essentiel car il est en contact direct avec la terre.
La Ferme du Vent est un site extraordinaire et il fallait être digne de ce lieu pour rénover, rebâtir sans trahir l’esprit de l’endroit. Le lieu a beaucoup choisi, il a été acteur. La Ferme du Vent avec les Bains Celtiques ont été une construction collective entre la famille Roellinger avec l’arrivée d’Hugo, l’équipe, l’architecte, tous les artisans, les jardiniers, les cuisiniers, les acteurs de salle, les gouvernantes. Chacun a apporté sa pierre et sa vision. Nous avons fait une fête tous ensemble pour célébrer l’ouverture qui remonte à 3 étés. L’autre jour, j’ai retrouvé mes écrits et mes notes sur le projet. On a vraiment respecté la ligne que l’on s’était fixée il y a 10 ans. C’est colossal, même la ligne de produits de soin Bains Celtiques-Roellinger a réussi à éclore.
La Ferme du Vent est un lieu fort, quelle est son influence sur ta pratique ?
Ma carrière a commencé et a grandi à Paris. Au bout d’un moment, je sentais que mes soins étaient comme une intraveineuse que je faisais à mes patients, qui juste après le soin, repartaient en courant prendre leur métro. J’ai réalisé qu’ils n’avaient pas le temps d’incorporer les bienfaits de la séance. Le temps de la séance n’était plus suffisant pour réinitialiser le corps avec les bonnes données, comme un ordinateur sur lequel on fait une mise à jour. Il y a selon moi un temps nécessaire avant le soin et après le soin qui est aussi important que celui de la séance. Le travail en séance consiste à re-polariser la personne, à la rebrancher à la terre, à la terre physique, à sa terre intérieure, à ses racines. Il faut du temps pour cela. Ainsi, s’est imposée la nécessité de trouver un endroit où les patients auraient le temps de ressentir les bienfaits de la séance. Partir de Paris, larguer les amarres pour m’installer à Cancale a été pour moi la découverte de mon Graal. J’étais heureuse de quitter le monde de la cosmétique dans lequel le marketing a pris le pas sur la vérité du produit. Je ne voulais pas vendre mon âme et Paris ne me permettait plus de me recharger.
La Ferme du Vent est un espace contenu, proche de la nature, qui respire et qui m’aide à me recharger. Ici, je me sens entourée, enveloppée par le ciel, la mer, la terre. En regardant l’horizon, on se lave les yeux. On ressent le temps qui passe et l’espace qui nous entoure, ce qui est aujourd’hui devenu un luxe et pourtant, c’est l’essentiel de la beauté du monde ! Comme un retour à l’enfance, on reconnecte avec cette partie de soi à travers une odeur de foins coupés, la saveurs des produits, une promenade pieds nus sur la grève, juste en contrebas du Champ du Vent. C’est cette simplicité que l’on a perdue qui est la plus dure à donner et que l’on trouve ici.
Je ressens de la joie d’être à la Ferme du Vent et d’avancer avec toute l’équipe des Maisons de Bricourt où chacun est valorisé dans le geste qu’il accompli : que ce soit le jardinier qui plante des graines, le cuisinier qui pose une fleur sur une assiette. C’est un endroit pour être créateur et aujourd’hui ces endroits sont assez rares. Il est plus facile de formater les gens à des gestes et à des protocoles. La pièce où je travaille est face à la mer, axée sur la lumière de l’Est et le Mont-Saint -Michel. Pendant le soin, je suis seule à voir la mer, à recevoir l’énergie du soleil et des marées pour pouvoir la transmettre aux patients. C’est peut-être le seul moment où les patients ne voient pas la mer et ils se retrouvent avec eux-mêmes autrement.
Tu rencontres de nombreuses personnes à travers les soins, certaines reviennent. Tu recueilles leurs émotions. Quelles sont les émotions des personnes qui séjournent à la Ferme du Vent et qui ont la chance de vivre un soin ?
Le soin et le lieu permettent de se ré-amarrer à soi, à sa terre intérieure. A la Ferme du Vent, il n’existe pas de protocole pour vivre l’expérience. J’aime trop la liberté, c’est pourquoi je veux donner la chance à chacun de grandir lui-même. Je ne veux pas être dans le rôle du sachant. J’instaure un dialogue avec le patient, avec ses pieds. C’est dans cet espace que l’on fabrique ensemble que le soin opère. En travaillant sur les pieds, j’aide la personne à faire circuler la vie en elle. Les personnes repartent plus riches qu’elles n’étaient, plus riches d’une part d’elles-mêmes. Elles reconnectent avec leur profondeur, leur âme.
Le lieu est juste, et tout le monde, les humains comme les choses, se mettent au diapason. Les personnes reviennent. La Ferme du Vent n’est pas un lieu de passage, mais un lieu de ressourcement.
Quelques mois se sont écoulés depuis la parution de ton livre « L’Homme est un arbre qui marche ». Peux-tu nous raconter la manière dont tu perçois ce livre aujourd’hui ?
Le livre a été un moyen pour moi d’asseoir mon travail ; c’est un outil qui pose ce que je fais et pourquoi je le fais ici. L’enjeu du livre a été de mettre des mots sur ce que mes mains font. Cela a été un retour sur tout ce que j’avais investi au cours de ma vie. J’ai théorisé ma pratique de thérapeute. Après avoir appris, je peux à présent transmettre et le livre constitue cette étape de transmission.